Et un jour enfin...
Arrive ce moment tant attendu du départ à la maternité.
Bon, il faut savoir qu'entre mercredi et vendredi soir, on a fait du ping-pong, j'ai fait des squats pour ramasser TOUTES les balles, j'ai monté mille fois les escaliers... Et j'ai cru que rien ne la ferait sortir avant le 10 août !
Et puis, et puis. Vendredi soir 05 au soir, nous sommes allés au lit, complètement épuisés, vers 23h. Minuit et demi / une heure, je me lève faire pipi, complètement explosée de fatigue mais avec la sensation que ma nuit est finie. Je me recouche aussitôt quand même, et il faut croire que je me rendors parce qu'à 1h20, je me lève du lit d'un bond (aussi rapide, félin et élégant que mon état de baleine à l'agonie me le permet), et je dis à L.B "c'est LE moment !". 40 secondes plus tard, la poche des eaux se rompait dans la douche (oui, bizarrement j'ai eu le sens pratique de me dire qu'il fallait que je sois dans la douche ou les wcs, mais pas au lit ni sur le parquet... et j'ai bien fait !)
2h40, on arrive à la maternité. Examen, monitoring. Tout va bien mais le travail n'a pas commencé. 4h, je monte dans la dernière chambre individuelle du service, le travail n'a toujours pas commencé, on me fait un piqûre pour dormir, et on nous annonce que j'accoucherai tout à l'heure.
8h, une sage-femme me dit de me préparer après le petit déjeuner : le travail ne commence pas, on va me déclenchée. J'ai peur / hâte / peur / hâte ...
10h25, l'anesthésiste pose la péridurale... qui fonctionnera par accoup tout le long de l'accouchement (donc, la douleur, atroce, par intermittence, c'est pour moi !).
10h50, injection de l'ocytocyne, fabuleuse hormone qui fera sortir ma fille... dans la douleur donc.
Ma journée a été très floue, je ne saurai la raconter. A côté de moi, il y a L.B, inquiet de me voir dans le coltar. Je réagis plutôt mal à l'anesthésie car soit je souffre, soit je somnole, je plane un peu mais ce n'est pas agréable. Je "m'ennuie", car je ne suis pas maitresse de mon corps. J'attends. Puis j'ai très mal. L.B essaie de me masser, de me faire rire, de me parler. Je suis à demie consciente. Il part parfois, jamais plus de 10 minutes, et moi, je galère à me tourner dans le lit. Je voudrais rentrer à la maison. Qu'on extirpe ma fille de mon ventre. N'importe comment.
A 15h, je frôle la césarienne. Mon corps est épuisée, ma tension chute brutalement, peine à remonter, je perds de plus en plus conscience mais j'entends les médecins au dessus de ma tête, l'anesthésiste qui est sûr que ça finira en césarienne, le gynéco de garde qui se demande par laquelle il va commencer (on est nombreuses et toutes primipares, ils sont en sous-effectif, le bonheur). La sage-femme me prépare, et moi, je m'entends demander : "mais pourquoi on attend encore 1h ? il faut la faire sortir, je veux qu'elle sorte, je m'en fous de la méthode !". Et elle m'explique doucement que pour la suite de nos vies, ce serait mieux la voie basse, que je pourrais prendre ma fille dès ce soir, que tout va bien se passer. Elle me dit de me reposer et me détendre, qu'il reste 1h à mon corps pour faire avancer les choses.
Le contrôle de 16h est plus que positif : enfin le travail avance ! Je suis déçue. J'aurai voulu tenir ma fille déjà, même si on m'avait ouvert le ventre. Et puis je préfère une cicatrice sur le ventre qu'une au périnée ! J'en ai marre, ça fait 6h que je suis immobile sur un lit, ça fait je ne sais combien de temps que je n'ai pas dormi, j'ai mal partout, mon cerveau est engourdi, je voulais un bébé mais je n'ai jamais voulu accoucher, ça me gonfle qu'on m'examine.
17h. La sage-femme me demande si ça va, je dis que non, que je suis fatiguée et que je n'en peux plus. Elle ne s'attendait pas à ça et me sermonne un petit peu, comme quoi un 1er accouchement c'est long, c'est normal, à quoi je m'attendais ?! Accoucher tranquille en 2h ?!. Je dis que je sais pas, mais que c'est elle qui a demandé comment j'allais ! Ah, elle parlait juste de la péridurale ? Ah bah ça, pour les prochaines minutes, on est dans la phase où elle marche....
17h30. Oh putain j'ai MAL. Mon nerf sciatique gauche est complètement pincé, je souffre et je le crie, je ne peux pas faire autrement. L.B est vraiment mal pour moi, on ne peut pas me soulager, c'est trop bas pour la péridurale. Je rêve d'une piqûre anesthésiante ou décontractante ou même anti-inflammatoire dans ma fesse, un truc qui apaise le nerf, mais il paraît qu'on ne peut rien faire, c'est la tête du bébé qui est descendu et qui appuie madame. En attendant, j'ai mal et je jure comme un charretier.
18h, on m'installe encore plus inconforablement avec les fabuleux étriers, et le gynéco de garde, ce parfait c****** vient parce que je hurle. "Ah non madame, dans mes salles d'accouchement, on ne crie pas ! On pousse, on respire, mais on ne crie pas ! Alors vous prenez de l'air, vous fermez votre bouche et vous vous concentrez comme si vous faisiez caca, et vous faites sortir votre bébé !". Eh ben heureusement qu'il n'est pas resté, que mon Papa et ma Maman m'ont extrêmement bien élevée, parce que lui, je lui souhaiterais bien d'accoucher, tiens !
18h40, c'est le moment de pousser. Oui, parce que jusque là en fait, je souffre le martyr, je crie à cause de la sciatique, mais ce n'est pas le moment, le Petit Haricot n'est pas "engagé". A 18h40, tout est prêt, et elle va naître, c'est sûr. Mes deux 1eres poussées sont inefficaces car trop courtes, j'ai peur de souffrir, je pense à l'autre qui me dit de chier, mais moi je veux pas faire caca, je veux faire naître mon bébé !, je n'arrive pas à me détendre, je panique d'être Maman. J'entends L.B qui me dit de pousser, que ça va aller, de prendre de l'air. Il tient ma main, puis ma jambe, il m'aide, il est là et il croit que je peux le faire. Moi je dis que je n'y arriverais pas. La sage-femme dit que si, bien sûr, je suis forte ! Moi je dis que je suis épuisée, que je ne pourrais pas.... Et puis, je respire à fond et je pousse. Je veux la rencontrer. On la fabriquée à partir de pas grand-chose, beaucoup d'amour et d'espoir. Mon corps a supporté cette grossesse d'une façon assez exceptionnelle. On a tenu 40 semaines et 3 jours. Tout est prêt, nous sommes prêts. Je pousse, je ne sais pas où j'en suis. La sage-femme me dit que la prochaine poussée, il ne faut pas que je relâche. Alors j'essaie, je prends beaucoup d'air, je me concentre, j'ai mal au crâne, je pense à ma fille, et...
18h49. C'est horrible mais pas douloureux, c'est comme si on m'enlevait une partie de moi, et puis qu'une autre glissait toute seule de l'intérieur de moi, mais oui, sa tête puis tout son corps, elle est sortie, j'ai réussi un truc magique, elle est énorme, le cordon est très court, à peine posée sur mon nombril, on ne peut pas aller plus haut ! J'entends deux phrases suréalistes : "vous voulez couper le cordon Monsieur ?" "oh, oui, je veux bien", j'hallucine, c'est bien mon L.B, sa voix toute émue, qui vient de couper le cordon de sa fille, de notre fille, c'est bien lui qui nous regarde avec ses yeux pleins de larmes et d'amour. Notre Petit Haricot est un bébé. Une petite fille. Elle est violette et n'a pas crié, mais on sait qu'elle va bien, ça se voit. Elle a juste besoin qu'on l'aide à vider ses voies respiratoires. Du coup, pas de peau à peau pour moi, elle sort avec l'auxiliaire et son papa, pour les 1ers soins, pendant que moi, je vis la pire partie de l'accouchement.
19h, il faut que le placenta sorte, que la délivrance se fasse. Mais non, chez moi, ça ne se fera pas tout seul. Alors là, c'est douloureux, et en plus, on n'a pas de récompense à la fin hein. Au bout de 10minutes, on me propose de refaire rentrer L.B et notre fille, mais je dis non, je préfère qu'ils restent dehors pendant que je jure (oui, le premier mot de ma fille pourrait être "putain !", et ce sera de ma faute) et que j'ai envie de tuer la sage-femme.
20h, à peu près. Enfin, c'est fini. Vraiment fini. Je vois mon amoureux qui pousse le lit de ma fille. Je la rencontre enfin, mais je ne peux pas la prendre, à cause de la perfusion qui me défonce la main droite et m'interdit tout mouvement, à cause de la douleur qui m'a épuisée. Alors, elle reste dans son berceau, tout près de moi, et je caresse ses doigts, qui sont les plus doux au monde.
Elle s'appelle Louise, elle pèse 3.810kg, elle mesure 51cm, elle a un Papa fabuleux, une Maman qui déborde d'amour, et en toute objectivité, elle est absolument parfaite.
Je dois attendre 2h et une nouvelle sage-femme pour qu'enfin on me déperfuse. J'ai mal partout, comme si j'avais couru un marathon de 17h29 + encore une marche rapide d'1h, mais c'est cette perfusion, cette douleur qui aurait pu m'être évitée si avant de rentrer chez elle, la sage-femme avait pris 3min pour la retirer, elle l'avait scotchée si fort.... C'est cette douleur qui me met en colère et m'empêche de porter ma fille.... Alors j'ai envie de pleurer, mais je touche mon bébé, alors j'attends.
22h30, la sage-femme de la nuit vient s'occuper de moi. Elle est douce et rigolotte, j'adore son accent slave, elle est complètement débordée et sait que sa nuit sera pourrie. Elle me fait rire, me complimente sur ma fille, soulage ma douleur en enlevant la perfusion et m'aide à trouver une position plus confortable. Elle m'annonce que je vais pouvoir aller dans ma chambre.
23h, je suis dans ma chambre. Il ne faut pas que je me lève avant 2h, mais évidemment j'ai besoin de faire pipi, et puis franchement, j'ai envie de bouger. Je sonne, la sage-femme du service accepte mais reste là, je me lève, je vais bien, elle sort, je fais pipi et puis je retourne m'allonger : ce que je n'ai pas dit à la sage-femme, c'est qu'en vrai j'ai le vertige, les oreilles qui bourdonnent et je vois tout noir. Mais je me suis levée, j'ai fait pipi, je me suis un peu lavée, et surtout, surtout, je n'ai plus rien qui m'empêche de tenir mon bébé.
23h10, 1er câlin.
Putain. Je suis Maman. Pour toujours. Oh. Mon. Dieu.